Canard Fily

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LFI ce n’est pas l’extrême gauche

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LFI est-il un parti d'extrême gauche ? Petit tour d'horizon pour répondre à la question qu'on nous martèle à tout bout de champ

Qu'est-ce que l'extrême gauche en France.

L'extrême gauche en France est un courant de pensée clairement identifiable, basé avant tout sur une notion de lutte de classe et de lutte révolutionnaire. Souvent associé à des mouvements trotskiste ou des mouvements communistes révolutionnaires, dans l'échiquier politique actuel, l'extrême gauche envisage une révolution dans le système capitaliste par une prise de pouvoir par le peuple, pour le peuple.

Sont associés également à l'extrême gauche, des mouvements encore plus radicaux tels que les mouvements anarchistes et les mouvements antifascistes.

Pour Aurélien Dubuisson (chercheur associé au Centre d’histoire de Sciences Po, auteur de L’extrême gauche en France ⇗) l'extrême gauche se compose d'une multitude de mouvements.

[...] l’ensemble des groupes d’extrême gauche, trotskistes ou maoïstes, auxquelles s’ajoutent toutes les tendances du mouvement libertaire, essentiellement les anarchistes puis les autonomes, ainsi que toute une série d’expérimentations politiques issue de Mai-68
.

Les Grandes Figures de l'extrême gauche en 2024

L'extrême gauche en France est aujourd'hui représentée majoritairement sur le plan médiatique par trois partis politiques :

  • Le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste)
  • LO (Lutte Ouvrière)

Ces deux mouvements incarnent la mouvance trotskiste pour le NPA et la mouvance du communisme révolutionnaire pour la LCR. Les deux partis se positionnent aujourd'hui comme les plus à même de comprendre et d'incarner les luttes populaires, les luttes ouvrières ou les luttes anticapitaliste. Leur souhait n'est pas de gouverner, mais de provoquer un soulèvement du peuple contre les classes dominantes.

La lutte des classes, au cœur des revendications

Au-delà de l'aspect révolutionnaire, et des aspects anticapitalistes de ces différents mouvements, le moteur de l'extrême gauche repose sur la lutte des classes, la lutte contre la classe dominante, ou encore la lutte contre la bourgeoisie. Ce que dénoncent la majorité des mouvements d'extrême-gauche, c'est cette inégalité que "les possédant" creuses entre les individus, par l'accaparement des systèmes de production et la non redistribution juste des richesses produites. Le capitalisme serait donc à l'origine de ces écarts de richesse, et creuserait les inégalités. Ce qui, de fait, créerait ce sentiment de lutte.

Pour résumer

Il est difficile de résumer l'extrême gauche en quelques lignes, et nous avons fait le choix ici de ne parler que des mouvements trotskistes. Essayons toutefois de résumer cette aile de l'extrême gauche en 3 points :

  • L'extrême gauche rejette le capitalisme dans toutes ces formes.
  • L'extrême gauche inscrit son idéologie sur une base de lutte des classes permanente.
  • L'extrême gauche ne cherche pas une révolution dans les urnes, mais une révolution par le peuple.

C'est ce dernier point que LFI marque sa plus grosse différence.

LFI : à gauche de la gauche, mais pas à l'extrême gauche de la gauche

Non, LFI n'appartient pas à ce bloc d'extrême gauche.

Pour une première raison simple. LFI ne souhaite pas le renversement du pouvoir en place par "la rue", ou par un soulèvement du peuple. Le parti des Insoumis s'engage dans une vraie approche électorale et républicaine, et cherche à appliquer son idéologie (certes, profonds) par les urnes.

Bien que LFI participe à la quasi-totalité des manifestations populaires, ces mouvements populaires ne sont pas un moyen pour prendre le pouvoir, mais simplement un moment de prise de parole ou un moyen d'expression du peuple.

De par cette démarche, LFI se distingue grandement de l'extrême gauche. L'entente entre les partis d'extrême gauche et les Insoumis n'est d'ailleurs pas évidente. Philippe Poutou (candidat pour le NPA aux élections présidentielles de 2012, 2017 et 2022) déclare le 18/10/2021 dans l'émission "À l'air libre" de Mediapart ⇗ :

Le désaccord fondamental, c'est que nous on pense que la révolution citoyenne ou la révolution dan les urnes, c'est du pipeau ! Voilà, on y croit pas du tout. Lui, il y crois [À l'attention de Jean-Luc Mélenchon, leader des insoumis]. Lui, il pense que s'il était président, il se passerait quelque chose d'énorme. Nous, on y croit pas.

LFI ne souhaite pas détruire la République

L'argumentaire (surtout à droite) d'associer LFI à l'extrême gauche, repose souvent sur la volonté de vouloir "détruire" la 5ème République. Très critique envers celle que l'on nomme "La 5ème", LFI a des positions très claires. Changer de Constitution, pour passer à la 6ème République. Une nouvelle République qui reposerait sur un fonctionnement différent de la 5ème, en laissant plus de place au travail parlementaire, et en diminuant les pouvoirs du président.

Jugée trop obsolète, et hors de notre temps, il n'a jamais été question dans le parti de détruire la République, mais de la faire évoluer. À chacun son appréciation, mais changement et évolution ne sont pas synonymes de destruction.


Le rapport au capitalisme

C'est peut-être l'aspect qui pourrait rapprocher le plus LFI de l'extrême gauche : le rapport au capitalisme. Bien qu'il ne soit pas affirmé en tant que tel, LFI a pour ambition de bouleverser le capitalisme actuel. Le parti des insoumis s'inscrit également dans un mouvement de lutte des classes, en ayant comme ambition de protéger les plus vulnérables. Pour autant, le terme "anticapitaliste" ne rentre pas à part entière dans le discours ou le programme du parti.

Il serait assez maladroit de nier les positions anticapitalistes de ses dirigeants. Ce qui est certains, c'est que LFI ne s'engage pas sur une pente révolutionnaire, que pourrait emprunter les partis tels que le NPA ou LCR. LFI propose un programme de rupture avec le capitalisme, qui peut séduire certains courants de pensée communistes (comme l'indique ce communiqué du 14 décembre 2023). Mais en aucun cas, LFI se positionne comme un parti communiste, anticapitaliste ou communiste révolutionnaire. Par ailleurs, LFI suggère dans son programme un régime parlementaire, ce qui par essence, va à l'encontre de la bureaucratie communiste "traditionnelle" (que l'on pourrait retrouver par exemple au PCF, héritier du Stalinisme), mais également, à l'opposé de la démocratie directe, sans représentant du peuple, que prône les partis d'extrême gauche comme le NPA ou LO.

Mais alors, pourquoi dit-on que LFI est à l'extrême gauche ?

Dans un premier temps, pour décrédibiliser le discours de LFI, et les renvoyer "à la marge" dans le débat public. Si l'étiquette "Extrême Gauche" est accolée à l'interlocuteur, alors indirectement, on suscite l'idée que son discours est extrême, irréalisable, et peut-être irrationnel.

Dans un second temps, pour pouvoir déplacer le centre de gravité des discours, et se positionner comme la voie modérée. C'est la stratégie qu'adopte aujourd'hui le parti Renaissance, pour se positionner comme le choix "raisonnable", et se confronter à fortiori, aux extrêmes.

Enfin, une méconnaissance profonde des sciences politiques, ou en tout cas, un désintérêt profond pour ce qu'elle apporte à la vie politique. C'est cette même méconnaissance des faits et de l'histoire de la politique en France, qui permet à certains d'affirmer que LFI est à l'extrême gauche de l'échiquier politique, et que le Front National (renommé en RN en 2018) n'est pas un parti d'extrême droite*.

Pour conclure

Le schéma politique de gauche pourrait ressembler à ceci (très grossièrement) :

.

LFI est une force radicale à gauche. Cela va de soi. Avec des idées plus prononcées, et plus affirmées comme étant en rupture avec le système actuel. La volonté d'un passage à la 6ème République crée une rupture avec des partis plus modérés tels que EELV ou le PS. Mais d'un point de vue historique, scientifique et sur le plan sémantique, LFI n'est pas un parti d'extrême gauche. On peut le penser, se dire que Jean-Luc Mélenchon a une attitude extrême, que le comportement des députés LFI est extrême à l'assemblée... Mais c'est une opinion, pas un fait. En politique, il existe des faits, et les tordre, c'est entrer dans une forme de contre-vérité, voire de manipulation.

Je ne suis pas militant LFI. Je partage leur vision, je désapprouve leur stratégie, j'apprécie certains de leur ténor, j'exècre certains de leur communiqué... Bref, j'ai un rapport mitigé avec LFI. Mais je tiens à ce que chaque chose soit traitée à sa juste valeur. Sans quoi, nous courons droit vers que l'on pourrait appeler communément, la foire à la saucisse.

* un article sur l'extrême droite est en préparation. Il sortira... un jour.

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